La « med-arb » (contraction de « médiation-arbitrage »), est une solution de résolution des différends qui a imaginé d’allier le meilleur des techniques de la médiation et de l’arbitrage en offrant la promesse d’un processus flexible, mais efficace.

L’idée est assez simple et consiste, dans une première phase, à tenter de résoudre le conflit en recherchant des accords mutuellement satisfaisants à l’aide d’un médiateur qui, en cas d’échec de la médiation, pourra, dans une deuxième phase, devenir l’arbitre qui tranchera le litige porté à sa connaissance.

Ainsi, dans le premier temps du processus, les parties disposent d’une liberté quasi-absolue et ne subissent aucune autre contrainte que celle de s’engager de bonne foi dans une négociation raisonnée, avec l’aide du médiateur ; c’est la flexibilité.

Mais d’aucun reproche à la médiation d’imposer un investissement important, en temps et en argent, sans avoir la certitude d’obtenir le moindre résultat, d’une part, et dénonce la possibilité d’instrumentaliser la démarche sans réelle volonté d’aboutir, uniquement pour cristalliser des positions dans la négociation, et obtenir des informations normalement inaccessibles hors ce contexte, d’autre part.

C’est pourquoi, dans le second temps du processus, le litige sera soumis à l’arbitrage de celui qui jusque-là était le médiateur, qui rendra une sentence exécutoire dans les conditions contractuellement convenues par les parties ; c’est l’efficacité.

On comprend dès lors que la clause de « med-arb » est loin d’être dénuée d’intérêt (I), mais de vraies questions se posent sur sa mise en œuvre (II), qui pourraient finalement favoriser l’avènement de modes de résolution de conflits plus subtils et respectueux des principes fondateurs de chaque discipline (III).

 

  1. L’INTERET DE LA CLAUSE DE « MED-ARB »

Pour le professionnel, le conflit porte le risque d’une incertitude pouvant entraver ses décisions stratégiques et son équilibre économique sur une période de temps qu’il ne maîtrisera pas.

En recourant au processus de « med-arb », l’entreprise pourra privilégier la voie amiable assistée par un médiateur, en gardant ainsi la maîtrise de ses intérêts et du calendrier, et éviter un enlisement des négociations, la perspective d’une sentence exécutoire potentiellement défavorable incitant les participants à la recherche d’un accord.

A défaut de transaction, chacun aura également la certitude de pouvoir obtenir une solution effective, dans des formes et délais convenus.

C’est le premier intérêt d’un tel processus, et non des moindres.

L’autre intérêt, systématiquement mis en avant par les partisans de la « med-arb », réside dans l’efficacité particulière d’un processus décisionnel confié au même tiers que celui qui a tenté d’aider les parties à résoudre leur conflit à l’amiable[1].

Le médiateur-arbitre aura une connaissance approfondie, voire intime, de l’affaire, ce qui devrait lui permettre de la juger dans des conditions optimales, en épargnant en outre aux parties le coût financier et temporel d’une nouvelle instruction de l’affaire.

En outre, la « menace » de la sanction en fin de processus favoriserait la construction de l’accord.

 

Mais cette perspective, aussi séduisante soit elle, est-elle réellement réalisable ?

 

  1. LES OBSTACLES A LA MISE EN ŒUVRE D’UNE « MED-ARB »

Les obstacles à la « med-arb » résident dans l’opposition de deux processus qui sont consubstantiellement différents, voire opposés.

En effet, on peut définir la médiation comme un processus coopératif, structuré et volontaire, qui, avec l’aide d’un tiers neutre, impartial, indépendant et sans pouvoir décisionnel ou consultatif, appelé médiateur, favorise, par des entretiens confidentiels, l’établissement ou le rétablissement de la relation, la prévention ou le règlement par les parties elles-mêmes, d’un différend.

Quant à l’arbitrage, il s’agit de « l’institution par laquelle un tiers, règle le différend qui oppose deux ou plusieurs parties, en exerçant la mission juridictionnelle qui lui a été confiée par celles-ci » (C.JAROSSON).

On comprend que, par essence, le processus de médiation ne peut aboutir que si le médiateur est totalement neutre, impartial (ou multi-partial) et indépendant, et qu’il n’a pas de pouvoir de décision.

C’est uniquement ce positionnement qui permettra aux parties de placer dans le processus la confiance nécessaire à la construction d’un accord, notamment en révélant des informations dont la confidentialité est absolument garantie.

Dans cette logique poussée à l’extrême, les avocats collaboratifs purs prennent d’ailleurs l’engagement de ne pas représenter leur client en Justice en cas d’échec des négociations !

En outre, la médiation est un processus non-contradictoire dans lequel l’administration de la preuve est secondaire puisque l’on favorise la recherche de solution à la confrontation des positions argumentées.

Or à l’inverse, l’arbitrage ne peut se concevoir que dans le strict respect d’un échange contradictoire des preuves venant au soutien de la position des parties, en vue de convaincre celui qui détient le pouvoir de juger.

Le dilemme est posé.

Du point de vue des parties, on ne révèle pas les mêmes choses à son confident qu’à son juge, et l’on ne se comporte pas de la même manière avec l’un et avec l’autre.

Du point de vue du tiers, la mutation de médiateur en arbitre suppose un cloisonnement hermétique des personnalités qui semble humainement inatteignable, l’arbitre ne devant pas utiliser les informations et les ressentis du médiateur pour guider sa sentence…

Et du point de vue de la jurisprudence française, l’accueil de la clause de « med-arb » reste incertain, la Cour de Cassation ayant estimé que, plus qu’une question d’impartialité, c’est celle de la transgression de l’obligation de confidentialité qui pourrait militer en faveur de son inefficacité[2].

  1. QUELLES PERSPECTIVES POUR LA « MED-ARB » ?

Si le processus de « med-arb » est né de l’imagination parfois fertile des juristes, c’est par ce qu’il répond indéniablement à un besoin.

Et que les frontières entre la médiation et l’arbitrage se sont progressivement réduites, certains médiateurs ayant un style très orienté vers la solution, et certain arbitre endossant volontiers le rôle de facilitateur d’accords.

Les arguments qui militent en faveur de la « med-arb » ont autant de pertinence que ceux qui en dénoncent les limites ou les contradictions.

Mais ce qui qui réunit les deux processus reste l’autonomie de la volonté des parties qui, de bonne foi et en toute connaissance de cause, ont décidé, soit contractuellement, soit après la naissance du litige, d’adopter un mode amiable de résolution de leur différend avec possibilité de le faire trancher dans des conditions également choisies par elles.

Ce consentement est la clé de voute du système qui doit donc s’assurer, pour être pérenne, de son intégrité.

Cela implique une rédaction subtile et sans faille des clauses de résolution de conflit par des professionnels qualifiés, clauses qui prévoiront, pour ce qui concerne la « med-arb » :

– la confirmation par les parties de l’ancien médiateur dans sa nouvelle fonction d’arbitre avec possibilité de récusation immédiate en cas de doute sur sa neutralité ou son impartialité

– le régime de confidentialité des informations échangées au cours de la médiation et la manière dont elles pourront ou non être utilisées dans le cadre de l’arbitrage

D’autres praticiens estiment cependant, non sans pertinence, que la « med-arb » ne pourra se développer qu’à la condition que le médiateur puis l’arbitre soient des tiers distincts[3], la clause devenant alors une « med then arb ».

A moins que la solution ne se trouve encore ailleurs ?

En effet, l’imagination n’ayant guère de limite, d’autres voies, peut-être plus respectueuses des principes fondateurs de chaque discipline, peuvent être explorées, pour tenter de concilier résolution des différends et efficacité.

Parmi elles citons :

  • La Med Arb simultanée, les deux procédures se déroulant simultanément avec un médiateur et un arbitre différent (qui ne se rencontrent pas)

 

  • L’Arb-Med ou Post Arbitration Mediation, qui est un processus commençant par un arbitrage qui se poursuit par une médiation alors que l’arbitre a scellé sa décision finale sans l’avoir communiquée aux parties, et qui ne s’appliquera qu’en cas d’échec de la médiation

 

  • La non-binding med-arb qui prévoit que le médiateur-arbitre ne rendra qu’un simple avis non contraignant

 

  • La « medaloa » (pour mediation and last-offer arbitration) qui prévoit, qu’en cas d’échec de la médiation, les parties soumettront une proposition finale au médiateur, qui en adoptera une comme décision définitive dans le litige, sans pouvoir la modifier

Cette merveilleuse boite à outils pourra rendre des services inestimables à tous ceux qui sauront identifier le mode de résolution de différends qui sera le mieux adapté à chaque situation.

 

Renaud ARLABOSSE, Avocat-médiateur


[1] P.VAN LEYNSEELE – « LA « MED-ARB » ET SES DERIVES – PLAIDOYER POUR UN MODE DE RESOLUTION DES CONFLIT EFFICACE ». (LARCIER 2013)

[2] Cass.civ.2.10.07.2003 n°01-16628

[3] Bertrand MOREAU « ARBITRAGE VS MEDIATION – Conférence du Centre de recherches juridiques de l’Université de Franche-Comté 16.11.16

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